Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CAPITATIO TERRENA

CAPITATIO TERRENA. A l'époque de Dioclétien ', l'ancien système d'impôt direct, connu sous le nom de TRIBUTUM Ex CENSU 2 parait s'être généralisé, en s'étendant à toutes les parties de l'empire romain, excepté à un petit nombre de provinces Le développement exagéré du nouveau système administratif exigeait un accroissement des impôts, et un remaniement complet du régime financier. Un recensement général [ceNSLsj des personnes et des biens fut commencé sous Dioclétien et achevé peut sous Constantin en l'année 312 de J.-C. `, avec une grande rigueur. Les déclarations (professzô censualis) imposées aux possesseurs de biens-fonds embrassaient toute nature d'immeubles et, de plus, les esclaves, les animaux, même les fermiers et locataires et colons (voyez pour les détails le mot ceNsus) ; enfin elle portait aussi sur les valeurs mobilières quelconques qui composaient la fortune du propriétaire 6. C'est sur l'estimation de ce capital, sanctionnée par des peines sévères contre les fausses déclarations, et par des vérifications officielles, que reposait l'impôt direct appelé capitatio ou capitatio terrena, ou ju,qauia. L'unité imposable était appeléeJUGUM ou CAPUT 6, ou CENTURIA ou MILLENA suivant les lieux, valeur de mille solidi d'après Walter', qui était frapp é e annuellement de la charge d'un certain nombre de solidi ou d'écus d'or déterminé par l'édit impérial appelé INDICT1o. Ainsi, la capitatio était un impôt sur le capital, d'après l'opinion de Walter e, qui avait fait accepter par la plupart des auteurs son explication des mots capot, jugum ou millena; mais la leçon du texte invoqué de la novelle de Majorien est contestée et autrement expliquée par Zachariae de Lingenthal. En outre la découverte d'un texte traduit du grec en syriaque a démontré que jugent ou capta s'entendait d'une unité réelle et complexe de biens, évalués par la loi, suivant leur qualité, à ô jugères pour les vignes, à 20, à 40 ou à 60 jugères pour les terres labourables des diverses classes [CAPOT] ; et dans certaines provinces, comme en Afrique, l'unité imposable était la centurie, ailleurs le SIILLENA. Savigny", et après lui Baudi de Vesme" et Huschke12 ont admis, avec la plupart des auteurs, que la capitatio ou jugeait) terrena,comme l'indiquerait son nom, était exclusivement un impôt direct foncier, c'est-à-dire l'ancien tributum soli des provinces, étendu à l'Italie, et rendu uniforme dans tout l'empire. Quant à l'origine de la capitatio, nous renvoyons pour cette question à l'article TR1BUTU3 EX GENSU; mais, sur ïanature de cet impôt, l'avis de Walter nous paraît le mieux concordant avec le mode de rédaction imposé à la paosESSIo CENSU sus, complétement semblable à celle de l'ancien eusus 13. Comme elle comprenait même le bétail et le prix des esclaves dans l'estimation qui servait de hase à l'impôt, celui-ci ne devait pas porter uniquement sur le sol et les maisons. D'ailleurs les rentiers eux-mêmes, lorsqu'ils ne possédaient point d'immeubles, devaient faire 311e déclaration et payaient l'impôt ex censu 94. Aussi Savigny est-il obligé d'admettre un impôt spécial sur les esclaves: mais ce serait une capitatio personnelle et égale ; pourquoi donc alors faire l'estimation de ces biens avec le reste de la fortune du contribuable? Quant à lluschke, il est forcé d'admettre aussi pour les rentiers une espèce particulière de tributum capitis 15, ayant pour base le capital et distinct de la capitatio humana ou plebeia, qui était égale pour tous. En ce cas, la difficulté se réduit, sur ce point, à une pure question de mot, puisque ce prétendu tributum capitis revient à la capitatio ex censu, appliquée aux rentiers par Walter. Cet auteur répond aisément à l'objection tirée contre son système des expressions capitatio terrena ou jugrain terrena, glebae professzô, glebalis pensio, employées par les textes pour désigner cet impôt: en effet, comme le cens embrassait la désignation et l'estimation de toutes ces natures de terres", la cote afférente aux différents immeubles se trouvait par cela même déterminée, d'après te taux annuel de l'impôt, et suivait le fonds entre les mains de tout nouvel acquéreur ". Sous ce rapport, on peut dire avec exactitude que la napitatio renfermait un impôt foncier, malgré sa nature générale d'impôt sur le capital. Seulement, il importe de remarquer que les commerçants figuraient, sur des rôles spéciaux, pour un impôt particulier le, le CIIRTSARGYRUM, et que ceux-là mêmes qui possédaient des terres, n'étaient pas obligés de déclarer in censu leurs valeurs engagées dans le commerce 19. Chaque année, l'empereur, dans un édit, qui devait être écrit de sa propre main, et nommé indictzo ou indicta, déterminait le nombre d'écus d'or ou solidi à payer par chaque ria/dit nu jugum. Cet édit était transmis par le pz ae fretus praetorio aux redores ou gouverneurs de province 24, chargés de faire publier et exécuter l'ordonnance impériale, sous la surveillance des vicaires et des préfets. Quant à l'administration chargée du recouvrement et au mode de l'opérer, nous renvoyons au mot AERARIUM, et aux articles concernant les divers employés du trésor qui s'y trouvent CAP 900 C'P mentionnés, tels que ntenerarii, tabularii, logographae, exactores, et susceptores, cornes sacrarum largitionum. On avait procédé à un cadastre de l'empire sous Dioclétien ; la valeur du jugum fut ainsi fixée: 100 mesures appelées perticae font un jugerum ou arpent, rectangle de 260 passus de long et 120 passas de large 21,ou 2518'n,88. Le territoire ainsi mesuré fut divisé en 7 classes: 5 jugera de vignes forment un jugum, ou unité imposable ; de même pour 20 jugera de terre labourable de première classe; pour 40 jugera de terre labourable de seconde classe ; pour 60 jugera de terre labourable de troisième classe; de même pour un domaine de 225 plants d'oliviers de première classe, ou pour un domaine de 450 plants d'oliviers de seconde classe u. Les pascua étaient évalués d'après leur produit 23. Les landes ou rochers étaient mesurés, mais non évalués, de manière à former un jugum u. Le cadastre indiquait, pour chaque canton, le nombre de juga soumis à l'impôt et la somme à en tirer. Les décurions de la cité devaient la procurer, et distribuer le contingent entre les possessores du canton d'après les hases du census, et former la liste ou rôle des contribuables (collatoresl, à conserver aux archives ou tabularium de la cité u, et répondaient solidairement des cotes non recouvrées 23. On a conservé un rôle de ce genre, dressé pour les Volcei en Lucanie, en l'an 323 de J.-C.; il indique le contingent de chaque commune, et par rasas les noms des possessores avec la cote afférente à chacun d'eux 99. Une autre inscription est relative à la ville d'Athènes 29, devenue stipendiaire au Bas-Empire. On y lit les noms des possessores, ceux des immeubles, leur situation, et la cote y afférente, en deniers. Enfin on a trouvé deux autres documents semblables dans les îles de Théra et d'As typalea 29. Tout changement survenu dans la situation de l'immeuble devait être constaté, lors du nouveau cens, par le censitor, qui tenait compte des réductions survenues par l'éboulement du sol ou perte des plants sans la faute du contribuable 80; toute mutation survenue dans l'intervalle devait être déclarée sur-le-champ et le nouveau possesseur inscrit au rôle 31. Une remise extraordinaire (remassio) s'opérait soit en diminuant la charge ordinaire par jugum 72 (relevare vel adaerare (eeius) soit en diminuant le nombre des juga réputés imposables 33 (capita remittere). L'abandon des arrérages se nommait indulgentia reliquorum 34, Rappelons seulement ici que les CURIALES a, et particufièrement les DECAPROTI, participaient au recouvrement et répondaient des non valeurs du contingent affecté à leur cité. On sait que cette fàcheuse mission imposée aux décurions 38 acheva de ruiner les villes municipales déjà dépouillées d'une partie de leur avoir, et privées de toute initiative par une centralisation exagérée. L'impôt devait être payé en trois termes pour l'année financière qui commencail 1m mois de septembre. Tous les quatre mois, les sommes de Fatum largitionale payées sur quittance u devaient être remises au susceptor ou receveur en chef du gouverneur (praeses) 36, puis envoyées au préposé en chef du trésor dans la province, avec les rôles de recouvrement, pour le contes largitaonum: ces rôles étaient communiqués également aux tabularii, afin de constater les restes à recouvrer, etc. ; du reste, il faut remarquer qu'une certaine somme additionnelle était imposée àchaque caput, pour frais de recouvrement, à partager entre divers employés à cet effet 39; les comptes de recette étaient contrôlés par des discussores, et le paiement de l'arriéré poursuivi par les mittendarii, eanonicarii ou compulsores du ministre des finances, envoyés au gouverneur et à son officium. Quelquefois l'empereur accordait une remise (indulgentia), mais d'ordinaire, le recouvrement était poursuivi, avec la plus grande rigueur; non-seulement les contribuables étaient soumis à la contrainte par corps, mais ils étaient exclus du bénéfice de cession de biens "o Une constitution de Gratien, Valentinien et Théodose, rendue en 379, ordonne même de contraindre par les supplices (dzgnisstna suppliciorurn acerbitate) ces débiteurs arriérés, à payer leur cote. Cependant on trouve au code Théodosien deux autres lois antérieures qui proscrivent ces cruautés °1, il est difficile d'apprécier le taux normal de la capitatio terrena; car l'indictte variait suivant les circonstances, et quelquefois l'empereur y ajoutait après coup, par suite de quelque besoin, une charge nouvelle nommée suPEtuNnlcTIO; remarquons que les contribuables devaient, outre leur impôt en argent, fournir à l'AecA du préfet du prétoire des prestations en nature, dont la quotité reposait aussi sur le nombre de capita du possesseur °3 [ANNONA] A°. Pour donner une idée du taux de la contribution en argent, on peut citer ce fait que Julien, à son entrée en Gaule, trouva chaque caput imposé à 25 aurei (378 fr. d'après M. Bureau de la Malle) et qu'à son départ la somme des impôts ne s'élevait pas à plus de 70 aurei (106 fr.) par capta" ou jugum formant l'unité imposable. Constantin avait remis aux Éduens 7,000 capita ou plus de la cinquième partie de leurs impôts, et, par ce dégrèvement, rendu leur valeur à 2,500 autres capita, sur 32,000 attribués précédemment à leur cité évaluation exagérée qui forçait les habitants à déserter leurs campagnes. M. Baudi de Vesme', en combinant ces données, est arrivé par d'ingénieux calculs à ce résultat que la capitatio donnait en Gaule à l'arrivée de Julien 38,225,000 aurei, soit 542,794,000 fr. et, qu'à son départ elle montait encore à environ 10,703,000 aurei, soit 151,982,000 fr., somme très considérable eu égard à la population de la Gaule °8; car la France, en 1838, ne payait, déduction faite CAP 901 CAP des centimes additionnels, qu'une contribution foncière de 155,300,000 fr. Les terres incultes étaient exemptes de la eapitatio 49; ainsi que celles des sacrae largitiones et de la ces privata [LARGITIO, AERAHIUM], les possessions concédées par le prince aux soldats et aux vétérans, les biens de l'Église (privilége aboli après Constantin) et les propriétés urbaines des professeurs des arts et des lettres. Enfin, on accordait trois ans d'immunité à ceux qui entreprenaient de défricher des fonds déserts [DE5EHTI AGRI 50, voy. aussi